Sous la direction de Philippe Pitaud
Année : 2023
Pages : 176
Collection : Pratiques du champ social
Éditeur : Érès
Comment développer et (re)valoriser l’écoute de l’autre dans le champ de la gérontologie notamment ? Quelles en sont les conditions sociales, psychologiques, économiques ?
Aujourd’hui le déficit de l’écoute de l’autre est à son apogée, aggravé par le développement des pseudo outils de communication producteurs en réalité d’exclusion et de mise à l’écart des plus faibles d’entre nous, socialement, psychologiquement et économiquement. Or, dans le domaine des métiers de la gérontologie comme de la gériatrie, l’écoute de l’autre est essentielle dans le soin auprès des personnes âgées mais également dans la relation avec les soignants comme avec les aidants naturels et les familles. En ces temps d’incertains de remise en cause de certaines pratiques, comment développer et valoriser cette fonction d’échange, bénéfique tant pour la personne aidée que pour le professionnel impliqué qui lui permet de donner ainsi du sens à sa pratique et de mettre un instant de côté, les effets induits par le stress ? Quels outils pour se mettre à l’écoute des professionnels eux-mêmes et prévenir ainsi les situations de désarroi ?
Extrait
Des sanglots, des sanglots, des plaintes, des silences et les sanglots qui reprennent…
Deux inconnues, toutes deux très « mal », sont en ligne. L’une dans une détresse qu’elle souhaite exprimer, l’autre dans l’attente, car elle ne sait pas de quelle nature sera cette détresse : elle a été préparée, formée pour tout accueillir, mais le pourra-t-elle ?
« Pleurez, prenez votre temps, tout votre temps, cela vous fera du bien, je vous attends. »
Les sanglots s’espacent, des mots incompréhensibles puis qui s’attachent les uns aux autres, « je suis seule, si seule… ».
Petit à petit, la parole se délie et l’écoutante imagine alors selon ce qu’elle entend, une situation : ce n’est pas la vérité de la situation, elle le sait ; peu importe, c’est ce que dit, ce que ressent l’appelante qui est important. Et ces paroles, il faut, c’est impératif, que la personne qui les émet sache à ce moment précis qu’elles ne sont pas lettre morte, qu’elles sont entendues, comprises, acceptées, même si elles sont agressives, outrancières, délirantes.
Le tableau se complète : la personne est seule, âgée, handicapée.
« Personne ne m’a parlé depuis trois jours. »
L’écoutante alors se pose des questions : est-ce possible ? Elle apprend que le matin et le soir une infirmière vient pour s’assurer que les médicaments sont bien pris, qu’une autre personne assure la toilette, qu’un repas est livré vers midi par la mairie, que la femme de ménage vient un jour sur deux. Néanmoins, l’appelante se sent seule, oubliée de tous, car si chacun a bien fait techniquement son travail, il n’y a pas eu partage : l’échange de mots a été réduit au minimum ; il n’y a pas eu non plus partage d’émotion : l’aidant a fait son boulot, il repart…lien vers le site de l’éditeur